Le schéma de coopération dans le domaine de l’inspection pharmaceutique (Pharmaceutical Inspection Co-operation Scheme [PIC/S]) est une structure qui comprend actuellement 56 autorités participantes réparties aux quatre coins du globe. Il a été créé en 1995 sur la base de la Convention relative à l’Inspection Pharmaceutique (Pharmaceutical Inspection Convention [PIC]), fondée par l’Association Européenne de Libre Échange (AELE) en 1970 (opérationnelle en 1971).

Introduction

Le PIC/S a pour objectifs principaux d’être un acteur reconnu sur le plan international en matière d’élaboration de recommandations pour les bonnes pratiques de fabrication (BPF) des médicaments et des principes actifs à usage pharmaceutique, d’être un lieu de formation pour les Inspecteurs (via outil informatique dénommé PIC/S Inspectorates' Academy (PIA), un séminaire annuel de formation et des cercles d’experts dans des domaines comme les principes actifs, la gestion des risques qualité, les systèmes informatisés, différents documents ICH,... permettant plus particulièrement de rédiger des aide-mémoires d’inspection), d’amener les systèmes d’inspection à un haut niveau de management de la qualité (notamment grâce à des audits croisés et réguliers) et enfin d’être un lieu d’échanges entre Inspecteurs mais aussi entre industrie et Inspecteurs sur des sujets techniques.

De la convention PIC au schéma PIC/S

L’origine du PIC/S réside dans la fameuse convention PIC fondée en octobre 1970 dans le cadre de l’AELE dont le siège est situé à Genève. À l’époque, dix pays se sont associés pour créer cette convention. Il s’agissait là d’un traité international entre états dont les buts principaux étaient l’harmonisation des règles concernant les BPF, la mise en place de systèmes d’inspection harmonisés, la reconnaissance mutuelle des rapports d’inspection et la formation des Inspecteurs. Le champ d’application de cette convention concernait aussi bien les médicaments que les principes actifs à usage pharmaceutique (les fameux API). Ainsi la convention PIC s’est développée jusqu’à compter 18 membres. Toutefois et sur la base des traités européens se mettant en vigueur, un changement profond est intervenu dans le fonctionnement de l’Union européenne le 1er janvier 1992. En effet et à cette date, c’est à la Commission européenne qu’est revenu le rôle de négocier des traités internationaux dans le domaine du commerce. Selon l’avis de la Commission, il n’était plus possible à un Etat membre ou à un groupe d’Etats membres de négocier seul un accord de reconnaissance mutuelle (comme mentionné dans la PIC) avec un pays tiers à l’Union. Très vite, il s’est avéré que les états membres de la PIC avaient envie de poursuivre certains buts de la Convention, notamment l’harmonisation des BPF et la formation des Inspecteurs, alors même que la Commission européenne refusait de les rejoindre au sein de cette convention. La situation était bloquée pour la convention PIC mais pouvait rester ouverte pour une autre structure. C’est ce qui a amené le Comité des officiels de la PIC à proposer la création du système de coopération en matière d’inspection des produits pharmaceutiques (PIC/S). La solution trouvée a été de passer du niveau d’un traité international entre états à celui beaucoup plus souple d’association d’autorités compétentes.

Le PIC/S aujourd’hui

Sa composition
 

À l’heure actuelle, le PIC/S est une association de 56 autorités compétentes en matière d’inspection, originaires de 52 pays différents (pour 4 d’entre eux, il y a deux autorités nationales compétentes (ANC) différentes pour les médicaments à usage humain et les médicaments vétérinaires). Parmi elles, les autorités compétentes de l'Arabie Saoudite et de la Bulgarie sont membres du PIC/S depuis le 1er juillet 2023. Celle de la Jordanie de même que celle des Philippines sont en cours d’évaluation. Des demandes de pré-adhésion ont été menées à bien commes celle avec les ANC de la Chine.

Sa gouvernance
 

Elle reste identique à celle de la PIC, partagée entre le Comité des Officiels (CO) où siègent les représentants des autorités compétentes, le bureau exécutif composé des différents présidents des sous-comités qui structurent le PIC/S et le secrétariat permanent. Légalement, le PIC/S est une association de droit suisse dont les bureaux sont à Genève. Son budget est basé essentiellement sur les cotisations annuelles des autorités compétentes et des redevances issues de l’organisation des séminaires annuels; ainsi que des subventions pour la création de matériel de formation. Le Comité des officiels fonctionne sur la base du consensus, notamment grâce aux bonnes relations établies entre ses membres, ainsi que sur leur engagement fort. Un site Internet assure une partie de la communication en direction du public et des adhérents : www.picscheme.org. Depuis 2013, différents sous-comités ont été créés afin d’avoir une implication plus grande des différentes autorités compétentes membres du PIC/S (par exemple, sous-comité du budget, sous-comité formation, sous-comité « conformité », sous-comité du développement stratégique, ...). 

Les buts du PIC/S

Ils restent très proches de ceux de la PIC et sont :

  • l’harmonisation internationale des BPF ;
  • la formation des inspecteurs ; 
  • la création d’un réseau international d’inspecteurs ; 
  • l’échange d’information et d’expérience en matière de BPF ; 
  • la mise en place de processus de gestion de la qualité pour les systèmes d'inspections.

Le processus d’adhésion

L’adhésion au PIC/S se fait selon la procédure suivante : l’autorité compétente souhaitant son intégration doit d’abord manifester son intérêt, notamment via la participation de ses Inspecteurs à des réunions de formation organisées par le PIC/S. Ensuite, il lui est nécessaire d’adresser une demande d’adhésion auprès du secrétariat du PIC/S qui comporte le renseignement d’un questionnaire. Un droit fixe est demandé pour l’instruction de la demande. Après vérification administrative du contenu du dossier, le Secrétariat transmet le dossier au Comité des officiels qui désigne un rapporteur, aidé d’un ou plusieurs co-rapporteur(s), selon la taille de l’ANC concernée. Des échanges s’instaurent entre le rapporteur et la personne désignée comme contact au niveau de l’autorité compétente qui a déposé la demande, pour clarifier les points qui le nécessitent. À l’issue de cette étude, le rapporteur rédige un premier rapport (après échange avec l’autorité compétente concernée pour trouver un consensus sur le contenu du rapport) qui est transmis au sous-comité "conformité" pour avis. Si ce dernier est favorable, un audit sur place est alors organisé dont le pilote est normalement le rapporteur. Cet audit consiste, d’une part, à vérifier l’existence de la mise en œuvre des éléments fournis dans la documentation de la demande d’adhésion et, d’autre part, à observer des inspections conduits par l'ANC. Pour la première partie, il s’agit principalement d’étudier la mise en place effective du système documentaire. Pour la seconde partie, il s’agit d’observer des inspecteurs au cours d’une inspection d’un site de fabrication (médicaments et/ou principes actifs), sur l’ensemble du processus, c’est-à-dire de la préparation de l’inspection à la rédaction du rapport. Il s’agit là d’une étape cruciale pour déterminer le niveau de qualification des inspecteurs et ce en situation réelle. A l’issue de cet audit, un nouveau rapport est rédigé, en appui du premier, toujours de façon contradictoire. Ce rapport est envoyé au sous-comité "conformité" qui fait une recommendation au Comité des officiels qui prend alors une décision vis-à-vis de la demande. Ce comité a décidé que le cycle d’une demande d’adhésion ne pouvait pas excéder six années, sauf cas exceptionnel et justifié. Depuis 2011, le PIC/S offre la possibilité aux autorités compétentes qui le souhaitent de déposer une demande de pré-adhésion. L'avantage de la procédure de pré-adhésion consiste en un échange entre un rapporteur (nommé par le CO) et l’autorité compétente concernée afin d’établir que cette dernière a bien compris le processus d’adhésion et plus particulièrement les outils qui seront utilisés lors de son évaluation (notamment l’audit check-list et ses 78 indicateurs). Suite à cette étude, une recommandation concernant l'état de préparation de l’autorité candidate est rendue au sous-comité "conformité" puis au CO. Si elle est positive, elle est invitée à déposer sa demande. 

Le système documentaire du PIC/S

Le PIC/S est doté d’un système documentaire étoffé qui doit être utilisé par les autorités compétentes qui le composent. Il est important de rappeler que le PIC/S n’émet que des recommandations et il appartient à ses Membres de les intégrer dans leur propre législation / organisation. Il n’y a pas d’obligations sauf que vous ne pouvez pas être Membre d’un club sans en respecter les règles. Toutefois, lors des évaluations et des réévaluations des autorités compétentes, la mise en œuvre de ces recommandations est particulièrement étudiée. Ce système documentaire comprend :

  • le texte fondateur du PIC/S ;
  • la procédure d’adhésion au PIC/S ;
  • une feuille de route ;
  • un guide des BPF qui est quasi identique à celui de l’Union européenne ;
  • des documents relatifs à l’organisation des systèmes d’inspection ;
  • des guides d’inspection, par exemple concernant les systèmes de traitement d’air ou d’eau, les isolateurs, les laboratoires de contrôles de la qualité, etc. ;
  • des guides relatifs à l’organisation des séminaires ou des cercles d’experts, les inspections conjointes ;
  • l’ensemble des documents utilisés dans le cadre du programme de réévaluation des autorités compétentes du PIC/S (joint reassessment programme [JRP]);
  • le système de formation et de qualification des inspecteurs qui doit être similaire à celui définit dans la PIA.

Des informations complémentaires peuvent être trouvées sur le site Internet du PIC/S (www.picscheme.org).

La formation des inspecteurs

Une des vocations principales du PIC/S est d’assurer la formation des inspecteurs. Pour cela, il dispose de cinq outils principaux qui sont :

  • Les séminaires : ce sont des manifestations qui se déroulent une fois par an, autour d’un thème donné, choisi par le groupe de travail chargé de la formation. En 2018, le séminaire s’est tenu à Chicago (USA) et portait sur la gestion du risque tout au long du cycle de vie d’un médicament. En 2019 le séminaire a eu lieu à Toyama (Japon) et portait sur la révision de l’Annexe 1 du guide des BPF. En 2020, pour la première fois de son histoire et en raison de la situation sanitaire résultant de la pandémie de Covid-19, le séminaire s’est tenu virtuellement depuis la Finlande et portait sur l’évaluation à distance de la conformité aux BPF. L'experience a été renouvelée en 2021 grâce à l'ANC de la Corée du Sud (MFDS) pour discuter de l'évaluation de la conformité aux BPF après la pandémie COVID. En 2022, le séminaire s'est tenu en présentiel à Dublin grâce à l'ANC de l'Irlande (HPRA) avec comme sujet les systèmes de gestion de la qualité de l'Industrie. En 2023, en novembre, l'ANC de la Thailande accueillera le séminaire à Bangkok pour discuter des compétences générales pour être un bon inspecteur.
  • Les cercles d’experts : ces réunions ont deux buts principaux : l’amélioration des BPF existantes et la formation des Inspecteurs. Différents cercles d’cxperts se réunissent sur une base annuelle ou bisannuelle comme sur les principes actifs à usage pharmaceutique, la gestion du risque, le sang, les organes-tissus-cellules et ATMP, les systèmes informatisés et les bonnes pratiques de distribution. 
  • Les inspections conjointes : ce sont des inspections réalisées dans le cadre d’un groupe de trois inspecteurs qui réalisent, sur un cycle de 18 mois environ et en rotation géographique, une inspection ensemble. Le but est d’assurer l’interprétation consistante des BPF ainsi que de découvrir des besoins en termes d’harmonisation ou de formation. 
  • Les inspections de formation (coached inspections) : ce sont des inspections réelles qui ont aussi un but de formation. L’accord préalable de la structure inspectée est demandé. Deux types existent : l’un dans lequel un Inspecteur confirmé mène l’inspection et est observé par au plus des Inspecteurs juniors et l’autre dans lequel un Inspecteur junior est observé par un inspecteur expérimenté. Dans les deux cas et en dehors de la présence de la structure inspectée, des échanges ont lieu afin de faire comprendre les principes et outils d’une bonne inspection.
  • La PIC/S Inspectorates’ Academy (PIA) : il s'agit d'une initiative visant à mettre en place un centre éducatif virtuel sous le pavillon du PIC/S pour harmoniser et à standardiser la formation et la qualification des inspecteurs BPF au niveau international à travers un système reconnu. Cette académie offre non seulement une formation générale ou avancée, mais peut également servir de plate-forme de discussion et de partage entre les inspecteurs. Elle offre un point d'accès unique à toutes les activités de formation du PIC/S. Sa mise en œuvre se déroule en plusieurs étapes, en bénéficiant d’un support spécifique des agences par le biais soit de contributions volontaires soit grâce à d’autres sources de financement.

L’échange d’information

Le PIC/S se développe aussi dans l’échange d’information, notamment les rapports d’inspection. Il faut rappeler que le PIC/S n’impose pas la reconnaissance mutuelle de ces rapports mais il ne l’empêche pas non plus. Il appartient donc à chacune de ses composantes de se déterminer sur ce point. C’est ainsi que l’appartenance au PIC/S peut être la base d’un système de reconnaissance mutuelle des rapports d’inspection comme c’est le cas pour les dix pays Membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), parmi lesquels l’Indonésie, la Malaisie, Singapour et la Thailande sont déjà Membres. Il apparaît de plus en plus que les rapports émis par une autorité compétente du PIC/S sont utilisés dans la planification des inspections basée sur un système de gestion des risques. Par ailleurs, le PIC/S a adopté une initiative prise par la coalition internationale des agences de régulation (ICMRA) afin d’adopter un outil de communication d’information permettant de réduire le nombre d’inspection par un processus de validation d’informations.

Les relations extérieures du PIC/S

Des processus d'échanges formels ont été établis avec l’EMA ainsi qu'avec la Commission européenne (qui participent désormais au Comité des officiels). Des relations ont aussi été établies avec le réseau européen des chefs d’Agence (HMA). Ces relations ont principalement le but de renforce les synergies notamment en termes de formation des inspecteurs. Le PIC/S a aussi conclu un accord de coopération avec le Département Européen pour la Qualité des Médicaments (DEQM) situé à Strasbourg et placé sous le contrôle du Conseil de l’Europe. Des relations étroites existent aussi depuis très longtemps avec deux départements de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui participent régulièrement aux réunions du Comité des officiels. De nouvelles relations ont été établies en 2019 avec les pays de l’ASEAN via leur secrétariat permanent ainsi qu’avec l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE) au travers de partenariats en matière de coopération. Il faut aussi noter que depuis janvier 2006, le fond des Nations Unis pour l’enfance (UNICEF) dispose d’un statut d’observateur au Comité des officiels. De même, de nouvelles relations se sont créées avec International Coalition of Medicines Regulatory Authorities (ICMRA) dans les domaines de la confiance mutuelle entre systèmes d’inspection et de l’évaluation à distance des sites de fabrication / évaluation des médicaments. Dans tous ces cas, il s’agit de bâtir des synergies dans les domaines de compétence du PIC/S afin d’éviter la redondance des actions, les déperditions de ressources et surtout des divergences de vue dans les domaines couverts par le PIC/S.

Le futur du PIC/S

Le futur du PIC/S est théoriquement décrit au début de ce document. Plusieurs objectifs ont été assignés :

  • la croissance du nombre d’autorités compétentes ;
  • une meilleure visibilité du PIC/S et de ses actions ; 
  • le développement des synergies d’actions avec les autres acteurs de son champ de compétence (OMS, CE, ASEAN, EDQM, ICMRA… ;
  • la mise en place de formations à haute valeur ajoutée (par exemple dans le domaine de la gestion des risques) ou spécifiques (comme pour ICH Q12) ; 
  • la reconnaissance du PIC/S en tant qu’expert international dans le domaine des BPF ainsi que de la formation et de la qualification des inspecteurs ; 
  • la prise en compte de la pandémie COVID-19 dans les processus d’inspection et de confiance mutuelle entre autorités compétentes ;
  • le développement de coopération avec les structures internationales de professionnels du médicament comme ECA, ISPE ou PDA en vue d’une harmonisation de la compréhension des BPF.

Il s’agit là d’objectifs ambitieux qui se heurtent aux ressources limitées des autorités compétentes qui peuvent constituer un frein. Il convient donc de les prioriser, tâche à laquelle s’attache notamment le Bureau Exécutif. La vitalité du PIC/S repose aujourd’hui et notamment sur celle de son Secrétariat animé par une équipe motivée et compétente et sur certains membres du Comité des officiels. C’est un challenge important qui peut se résoudre avec l’arrivée de nouveaux acteurs dans le Comité et au bureau exécutif. Nous sommes face à des difficultés croissantes en matière de sécurisation des chaînes de fabrication de médicaments et de leur distribution et le PIC/S doit être un acteur dans ce domaine.


Remerciements : Le Secrétariat du PIC/S tient à remercier très chaleureusement Monsieur Jacques Morénas qui est l’auteur de cet article et qui l’a gracieusement mis à disposition du PIC/S. Monsieur Morénas est conseiller technique de la direction de l’inspection à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Il est également le président du sous-comité formation, vice-président du CO du PIC/S dont il a déjà été le Président entre 2006 et 2009.